Billet d'humeur à propos des hauteurs de survols des parcs
naturels
Dans un souci louable de protéger la faune, le législateur un
jour décida qu’aucun aéronef ne pourrait être autorisé à
survoler un parc naturel à moins de 1000 mètres sol, voire à
moins de 4000 mètres niveau mer coté Espagnol au sud de Gavarnie
(bravo la coordination transfrontalière. Vous avez dit Europe
?). Un planeur silencieux est un aéronef au même titre qu’un
bruyant F16, un A380, un DR400 ou un hélicoptère.
La loi c’est la loi, et elle est applicable.
Heureusement, il y a des fusibles. Tout vélivole peut se
retrouver devant un tribunal, s’il se fait prendre en défaut.
Mais pour constater l’infraction, dans les Pyrénées, il faut
être vaillant (pour être sur un sommet au bon moment), avoir
l’ouïe fine (un planeur, ça ne fait pas de bruit) être habilité
à le faire, et enfin, être du bon coté de la frontière par
rapport au lieu de décollage et d’immatriculation du planeur.
Je ne pense pas qu’on enverra sur un parc naturel un avion de
chasse pour identifier celui qui transgresse la loi (comme cela
s'est pratiqué sur la ZIT de Lacq), nous ne sommes pas je
l’espère arrivé à un niveau d’aveuglement bureaucratique digne
d’un régime stalinien.
Devant un tribunal enfin, on peut espérer une clémence liée au
bon sens.
Les chances d’être condamnées sont donc faibles, si on ne
s’amuse pas à faire des passages bas sur un refuge ou une
réserve ornithologique.
Voilà pour la forme.
Sur le fond, on a, nous vélivoles, le sentiment d’une injustice
flagrante à notre égard.
Si on survole à 500 mètres sol le col du Pourtalet, on est
en infraction, tandis qu’avec une remorque sur la route c’est
légal et qu’à moins de 500 mètres au sud, l’Espagne développe à
grand coups de bulldozer la station de Formigal, en toute
légalité.
Si on est à moins de 3000 mètres sur le canyon d’Ordesa, on est
dans l’illégalité, avec nos planeurs. Et cet itinéraire est
souvent le seul permettant de faire des grands vols en faces
sud, car passage obligé vers Posets et plus loin. Pendant
ce temps, des milliers de promeneurs y sont acheminés en bus, et
il n’est pas rare de voir des norias de 4x4 sur la lèvre sud du
canyon. Et on ne compte pas le pire pour les marmottes et izards
: le nombre de rotations quotidiennes d’hélicoptères partis
secourir quelque randonneur malchanceux. Les aéronefs de secours
ont le droit de survol, évidemment. Et un hélico en transit, ça
s’entend loin et longtemps. En stationnaire c’est évidemment
pire. Car la nuisance, si nuisance il y a, est bel et bien
sonore ou par pollution issue des moteurs à combustion interne
(les gaz d’échappement). Et encore ça aussi ça se discute : le
site du Balneario de Penticosa, alt 1600 mètres, à quelque
kilomètres du Parc Naturel au sud du Marcadau est salopé par un
titanesque chantier de construction à l’espagnole : les klaxons
des grues se mélangent assez subtilement avec les cris des
marmottes qui n’ont pas fui le raffut de toute évidence et
semblent s’en accommoder.
Pour randonner souvent dans le Pyrénées, je sais qu’un planeur
est invisible si on n’a pas le nez en l’air en permanence. J’ai
toujours dans un groupe été le premier ou le seul à en voir,
voire même en entendre (car c’est ce qui fait lever la tête).
Par contre le bruit de fond des avions de ligne qui volent
au-dessus du niveau 240 (7500mètres) est parfaitement
perceptible. Le 25 juillet 2006 vers 10 heures j’ai même entendu
et vu passer un A380 en essai à la verticale du Lurien cap vers
l’Est Nord-Est ; nul doute qu’il avait survolé le parc, certes
très haut et dans la légalité. Mais nul doute aussi que sa
nuisance sonore était largement plus forte que celle d’un
planeur qui aurait volé au ras des cailloux. Et je n’évoque pas
la diffusion de CO2 des moteurs des avions de ligne…
Vous aller me rétorquer qu’un planeur fait du tord aux oiseaux.
Lesquels ? Les aigles (très rares sur le Pyrénées), les
vautours, espèce protégée. Réflexion d’ignare, qui n’a jamais
approché un vautour ni même volé en escadrille avec. Un vautour
considère un planeur comme un autre vautour, certes plus grand
mais sans concurrence. Je n’ai vu de gestes agressifs de
vautours que lorsqu’ils sont jeunes (plumage immature).
Sur le fond, donc, l’interdiction de survol appliquée à des
planeurs à moins de 1000 mètres sol, voire plus coté Espagnol,
est une mesure administrative idiote, édictée par des
bureaucrates ignares. 1000 pieds sol paraîtrait raisonnable
surtout sur les parcs Pyrénéens, car c’est de fait une tranche
où les planeurs ne vont pas, car souvent hors de leurs limites
de sécurité, les zones posables devenant alors inatteignables.
Alors, en pilotes responsables, on continuera à respecter les
zones de nidifications, et à enfreindre intelligemment et
discrètement (attention aux messages de position radio) les
règles idiotes. Pas vu, pas pris. Une chose est certaine. Ce ne
sont pas les vautours qui nous dénonceront.
La vie serait belle sans les bureaucrates