L'été en
Béarn est souvent vélivolement plombé par les entrées
maritimes.
Les fidèles
lecteurs savent que quand on est au sol, sous le couvercle
ce ne sera pas bon pour circuiter, et que quand on est en
l'air, au retour d'un beau vol en faces Sud une entrée
maritime peut obliger à un déroutement vers Jaca, si
l'entrée couvre le piémont jusqu'au delà de Tarbes.
Benoit en a
fait plusieurs fois l'expérience.
Je n'ai pas
de statistique détaillées sur ce sujet, juste le nombre de
jours circuitables en juillet août: 1/3 des journées. et
seulement 4 jours qualifiables de "grand vols" qui se font
évidemment en faces Sud ou le haut relief alors accessible.
L'été 2021
n'est ni pire ni meilleur que les autres années. La
particularité est que les cycles liés au passage d'une
dépression (jour-1 = excellent, jour 0,1,2.. pourris jusqu'à
l'établissement d'un régime de Sud à l'approche de la
dépression suivante) sont détraqués. Il n'y a pas de
dépression ou alors très loin sur l'atlantique. Le vent en
altitude est verrouillé à l'Ouest par un haut barométrique
méditerranéen. Cela fait le bonheur des baigneurs sur la
côte landaise avec drapeau vert comme rarement vu, mais
notre piémont est couvert par simple entrée marine de type
brise qui va loin vers l'Est chaque soir avant dissolution
(ou pas) le lendemain, tandis qu'en altitude le vent d'Ouest
reste fort. En montagne, cela se traduit par des ressauts
locaux, et une masse d'air de type sous ondulatoire sous la
couche limite qui peut être assez haute, dans un cagnard de
plus en plus marqué chaque année qui finit de réduire les
glaciers pyrénéens à des tas de cailloux.
Vendredi
20 août 2021
La semaine
dernière les circuiteurs se sont fait secouer en faces Sud,
et la simple vue des spirales sur les traces gps montre que
ce n'était pas évident de rentrer face à un vent de plus de
35Km/h
Aujourd'hui,
ça souffle d'Ouest encore en haut, mais comme on le voit sur
l'image, la dérive est moins forte, les tours de spirale se
recouvrent en XY
Le départ est
classique vers Ansabère, mais d'entrée de jeu on sait que ce
ne sera pas évident: la turbulence sous le vent des
aiguilles derrière le remorqueur est marquée. Le passage se
fait en force, avec raccrochage au niveau des crêtes des
collines vertes (ces épaulement Nord-Sud au sud des
Sierras). Pas évident, car le vent d'Ouest contrarie les
pompes qui démarrent au soleil coté Est, mais ça monte et
permet ensuite de revenir faire le point de départ, car
Benoit a (encore) en tête un but fixé. La suite est ensuite
classique jusqu'au trou de souris à l'Est du Mont Perdu
L'Ossau
le Somport et la vallée d'Aspe vus du sud du Pas
d'Aspe
Le
lac de Búbal, au pied de Piedrafita de Jaca n'est plus plein
Il y a du
monde sur la Tendenera, Les randonneurs ne nous ont pas
entendu (vent dans les oreilles?) ni vu. Ils ne se
sont même pas retournés à notre passage. À l'arrière
plan, Les cumulus sur le Vignemale partent de l'Est et sont
brossés au dessus des crêtes
Le mirador de la lèvre sud du canyon d'Ordesa
Au trou de
souris, qui je le rappelle est le col d'Anisclo, on est au
ras des nuages et ne voit pas ce qui se passe sur la haute
chaine. On devine entre deux nuelles que les
matérialisations y sont hautes, mais avec ce régime d'Ouest,
la Pineta est potentiellement dégueulante. On préfère longer
la sierra de Las Sucas, pour sauter au bout vers la Punta
Suelza par Cubifredo, ou l'accrochage est difficile.
A gauche la Punta Suelza: pas d'ombre de
cumulus pour baliser un accrochage.
Sur la face Ouest de la Punta Suelza: lacs de
Cao et Baleto. Au fond, Posets
On grimpe en
thermodynamique sur la Suelza, jusqu'à avoir l'altitude pour
transiter vers les faces sud des sommets du Luchonnais, A
chaque sortie sous le vent du relief, on prendra une ou
plusieurs châtaignes costaudes.
lacs de
Caillauas et Pouchergues . C'est bleu coté Français
Luchonnais:
Le lac du Portillon
Le
cheminement se fait un
peu au sud de la crête frontière jusqu'à attaquer le coté
Sud-Ouest de la Maladeta
Chaque
année
le glacier de la Maladeta se réduit un peu plus.
On y arrive
par la face au vent, fait quelques huit turbulents et prend
de belles châtaignes sous le vent de la Maladeta, dont le
glacier se réduit d'année en année de façon impressionnante.
Le savoir faire de Benoit en conditions difficiles fait que
depuis le début du vol, je n'ai pas piloté. J'en ai profité
pour faire les images illustrant ce récit, mais cette
turbulence qui m'aurait fut un temps fait depuis lurette
rendre tripes et boyaux, commence à se faire sentir. il est
temps de piloter. Le deal est simple. Benoit fait monter le
planeur, j'en limite quant à moi la chute.
On arrive
ainsi au sud du pic d'Estats, un cheminement plus Nord que
d'habitude.
Estany
Fondo
de Sotllo, au sud du pic d'Estats
Mais ce n'est
pas optimal. On aurait peut être dû passer par le Monteixo
(où c'est d'ailleurs bleu), montagne sacrée du vélivole
entre Andorre et le val d'Aran. Il est rare qu'on n'y trouve
rien à exploiter. Qu'importe, on arrive sur le Pas de la
Case pour vérifier qu'au mois d'Aout, l'automobiliste qui
s'y aventure pour faire ses emplettes n'y est pas seul au
retour:
Dans le sens
montant un camion citerne en provenance de la raffinerie de
Port La Nouvelle qui remplira les réservoirs de la station
service du Pas de la Case, pour que le voyageur y fasse le
plein. Et dans le sens descendant, les chalands qui ont fait
le plein moins taxé, font la queue en espérant n'être pas la
voiture que les douanier vont fouiller. Cette anomalie peu
écolo ne choque personne.
On tourne les
Bouillouses comme prévu. Cap à l'Ouest, face au vent!
le
plateau
de La Calme à Font Romeu. là bas au fond à droite, Alp, qui
pourrait se voir limiter le nombre de remorqués quotidien à
un nombre qui signerait la mort du vol à voile en Cerdagne
hors La Llagone
On rentre
presque par le même itinéraire, décalé un chouia au sud. On
survole Granvalira et le site de l'ex-futur aéroport
international d'Andorre (projet abandonné, merci l'OACI),
avant de poursuivre par le Monteixo
Andorra
fools
airport terminal site
La
Massana (Andorre)
Lecteur
fidèle, vous le savez depuis longtemps, le point critique au
retour est quelque part sur la vallée d'Esteri de Aneu,
lorsqu'il faut choisir la bonne option. Sud des Encantats et
cheminement immédiat faces Sud, ou rester plus longtemps sur
le tentant Val d'Aran avec ses beaux plafonds, mais qui
risque d'être un cul de sac. Ce sera route Sud encore cette
fois-ci. Mais le vent d'Ouest neutralise la pompe du Pic del
Pineto avant le lac de San Maurici et le col donnant accès à
la route Sud. Douleur. On passe le col bien conscient qu'il
faut s'appuyer sur la face au vent, change de rive pour
raccrocher à 2700m, soit 100 mètres plus bas que le sommet
de la pompe du Monteixo
Estany
Dellui
et col du même nom qui débouche sur la vallée de Cabdella,
au sud du massif des Encantats
iI
est 16h35, mais il y a toujours du monde sur certains
sommets (Bony Blanc, 2756m)
La suite est
classique et plus facile. Llauset, Benasque, Col de Sahun,
Posets face Ouest au lac d'Elsen au bleu profond.
Sierra de Ghia et col de Sahun (1999m)
ibon
d'Elsen
sur la face Ouest de Posets
On poursuivra
ensuite jusqu'à Isaba, avec un cheminement facile en regard
de ce qui a précédé. Le vent tombe, les cumulus deviennent
joufflus, les pompes dantesque: la récompense.
Un parapente se cache dans l'image vers Biescas. L'avez vous
vu?
Sierra
de
Partacua et son chevauchement, comme dans les livres de
géologie: il ne manque plus que les pointillés.
C'est l'heure
ou le soleil baisse, et la lumière devient plus favorable au
photographe. On fait un dernier point à Torla et on rentre.
Benoit est content, le circuit est bouclé "comme prévu".
Canyon d'Ordesa au soleil déclinant
Entre
Aspe
et Ossau, au pied du mail Massibé c'est Verdun: on découvre
les dolines en lumière rasante
Arrivée à Oloron.
Des
para-moteurs s'entrainent sur la piste. On négociera à la
radio, et on se posera long sur la piste avion pour ne pas
gêner Patrick qui rentre en DR400. Il est près de 19h30, et
c'est la bonne heure pour voler "au frais". Il a fait encore
chaud sur le terrain aujourd'hui. Beaucoup plus qu'entre
2500 et 3800 mètres. Uzein a enregistré 30° sous abri, en
fait beaucoup plus au soleil. Le rangement se fait avec une
température encore élevée malgré l'heure. On est tous les
deux un peu lessivés. Je vieillis. Ce type de vol nécessite
pour moi 24 heures de récupération voire plus, malgré une
significative hydratation en vol et au sol au retour.
épilogue
Ce sera la
dernier vol de la saison 2021 en ce qui me concerne. 15
jours plus tard, le vaillant Pawnee, parfaitement adapté au
remorquage des planeurs lourds sur une piste lourde en
hiver, s'est posé en catastrophe à Bedous suite à une panne
moteur. Pilote indemne, avion détruit. Son remplacement va
prendre du temps.
Trajectoire:
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dans le texte, puis retour dans votre browser pour revenir au
récit
La montagne est belle.