Depuis septembre, la couverture météo « publique » que j’utilise
pour le vol à voile, s’est fortement dégradée. Arrêt du minitel
remplacé par un service internet trois fois plus cher pour avoir
un bulletin rédigé, suppression du bulletin tactique rédigé
d’aeroweb, que l’apparition d’une carte vélivole ne compense
pas, car publiée le matin même. Les modèles payants vélivoles
n’ont à mon humble avis pas encore fait leur preuves pour le
piémont et le relief pyrénéen, couverts par 4 masses d’air
différentes, pour un nombre de points de calages inférieur, un
détail peu gênant pour des modèles grossier mais fatal pour une
prévision fine. Il faut donc faire avec tout ce dont on dispose.
Le site NOAA donne des tendances sur deux semaines voire plus.
Le bulletin montagne de la météo espagnole sort à quinze heures
pour la prévision des jours suivants, « vigilance-meteo.fr »
donne des indication précieuse sur les lignes de courants et la
couverture nuageuse, et pour le court terme, les metars et tafs
de Biarritz, Pau, Tarbes sont utiles, surtout si une entrée
maritime est envisageable. Encore codés en « chinois » (vestige
du temps du telex, une sorte de fossile vivant comme le
Ceolacanthe) sur le site de météo-France, il est en clair
et en « chinois » sur les applis smartphone et sur
fr.allmetsat.com. La VF est amusante à comparer selon les sites,
mais les différences sont faibles.
Ma synthèse du jour annonce 50 km/h de Sud-Ouest à 3000 mètres
(onde?) et plein Sud en basse couche coté espagnol pour 35 km/h.
Pas de dégradation orageuse prévue, vent s’affaiblissant en
basse couche faces Sud.
Au petit matin le ciel est bleu, y a des rotors et même une
lentille fugace vers l’Anie. Y a plus qu’à.
C’est Bernard qui remorque. On fait un briefing avant la mise en
route. Dans un petit club, il n’y a pas de briefing pour UN
pilote (j’écris ça pour les improbables lecteurs de Chérence,
Challes, Vinon, ou Fayence). Mais discuter cinq minutes des
options possibles est toujours positif, surtout avec Bernard, le
plus fin vélivole d’entre nous. Les rotors de la vallée d’Ossau
sont tentants, mais une fois encore, ce sera vers Lourdios et le
Sud d’Arette, situés au vent du terrain, et sans piège si
incident toujours possible.
Au sud d’Arette, Bernard qui a vu les vautours en-dessous,
enroule. Je ne reste dubitatif que sur un tour, largué, +4
metres. Il est 13h40. Plafond, j’avance vers des
matérialisations déclenchées par le haut de la vallée de Ste
Engrâce mais décalées par le vent vers le Nord des orgues.
Un tour et là, alerte flarm, par derrière. Quand on se croit
seul ça surprend. J’en tire la 1ere leçon du jour :
basculer rapidement sur la fréquence régionale après le
largage peut être utile. J’étais resté sur la fréquence terrain,
pour donner une description de la situation, avant de basculer
vers 122,65. Changement rapide de fréquence, le monoplace
à winglet que je découvre rapidement et qui m’avait vu (ouf)
m’explique qu’il arrive de Ste Foy la Grande (gloups ?), au
moteur (aaah bon.) et il plonge vers la Forca, son 1er point de
virage. En fait, à St Gaudens (qui est son point d’arrivée
prévu) on a décollé tôt, et il y a du monde en l’air. A la
puissance du signal radio, il y a d'autre planeurs pas loin. La
surprise vient du fait que je me croyais seul sur le secteur,
comme d’habitude en début d'après midi.
Le ressaut ondulatoire me monte à 3400 mètres et là il va
falloir choisir :
-un point vers l’Ouest comme d’habitude en onde? je ne le sens
pas. Le relief est plus bas, l’onde ne va pas s’y déclencher, et
c’est tout bleu.
-une branche au nord du relief vers l’Est ? faisable, les gens
de St Go en viennent, face au vent. Ils ont décollé tôt, eux.
Mais attention : la chaîne centrale sera impraticable.
Une virée en faces sud ? C’est bien pavé et vu de 3400 mètres,
même si la Collarada et la Tendenera au loin grattent le nuage,
c’est très tentant.
Pic
d’Anie, vue vers le sud. Plus loin, les 1er nuages gênent la
visibilité sur le cheminement (on est haut), mais les ombres
confirment qu’il existe.
Allez, hop, va pour la ballade en faces sud ! ça fait un moment
que je ne suis pas allé y traîner les plumes. Les sierras
sont hors nuages, et avec le vent ça tabasse. Pas question de
faire de la pente proche. C’est trop violent à mon goût,
enroulage impossible. Il faut bien s’écarter, mais en quelques
tours le relief se rapproche, et la garde au sol au dessus des
crêtes est trop faible.
Le paysage est toujours aussi somptueux. Alternances de couches
calcaires et dolomitiques, plissée, chevauchées, érodées.
La
sierra de Partacua, ses plis faillés couchés…
Bordure
Est des gorges de l’Anisclo
Cela chemine vite, et l’on arrive
rapidement au point de décision suivant. Le cheminement normal
faces Sud après le Mont Perdu, passe par Posets ou au
moins le Sud de cet énorme massif, au col de Sahun. Si les
plafonds sont insuffisants, on opte pour le sud de Cotiella.
Pour prendre la décision, il faut voir comment ça se
présente : le prolongement du mont Perdu vers l’Est (la lèvre
sud de la Pineta) est emballé dans les nuages, toujours plus bas
que sur le haut relief, et ces nuages obstruent la visibilité
vers la haute chaîne.
A
gauche, sous l’aile, le col d’Anisclo. Passeriez vous dans
ce trou de souris ?
Ce sera donc Cotiella, ce qui ne m’enchante guerre, car plus
loin, à l’Est, le plafond descend encore, et le paysage de
cumulus est foutraque sur le flanc de ce massif.
Mais s’enfiler bas vers le col de Sahun voire sous le vent de
Cotiella sans autre dégagement que Castejon de Sos n’est guère
enthousiasmant non plus.
Coup de fatigue. Hésitation. Casse croûte, boisson. Y a pas le
feu, on est moins secoué, bricolage un moment entre Pena
Montanesa et Cotiella… avec vue sur les lacs au sud d'Ainsa. Pas
d'image, je devais être trop préoccupé pour en faire. Cette
passe à vide donne au plafond le temps de monter. Le vent est
beaucoup moins fort, des cumulus apparaissent sur la vallée de
Plan, ça passe donc vers Benasque, pour un point de virage au
Sud de l’Aneto coté Cerler.
La
vallée de la Cinqueta et Plan, au pied de Posets. Le
col de Sahun est au fond à droite…
A l’Est de Benasque, je ne sens pas bien le passage vers la
vallée de Villaler et de toutes façon les Encantats seront
infranchissables sinon en aller simple, avec retour par le
Nord. Donc cap retour, par le même cheminement qu’à
l’aller, moins le détour sur Cotiella.
La meilleure pompe des faces Sud est toujours située sur les
faces Sud-Ouest de Posets.
Ibon del Sen . A droite, Posets
Le plafond s’améliorant avec l’heure, 3400m sont atteints,
mais c’est vraiment local. Il faudra attendre l’extrémité Ouest
de la Collarada pour retrouver pareille altitude. Ceci étant, le
retour est facile, car les plafonds ont gagné 300 à 500 mètres
entre temps, selon les endroits. A l’Ouest de la Collarada,
changement de décor. Le bleu domine, et le vent est fort. Il
doit rester une ascendance au Visaurin, mais son cumulus est
transformé en lenticulaire en son sommet, signe d’un vent plus
marqué en altitude, comme à l'aller.
L’axe
Pics d’Aspe-Visaurin-Forca depuis la Collarada : le plafond
est beaucoup plus haut qu’à l’aller
Ce sera un passage de la frontière au Somport (d'habitude on
pousse jusqu'à la Forca avant de basculer au Nord), en
exploitant le ressaut déclenché par l’axe Pics Rouges-Ansabère,
et un cheminement en onde jusqu’aux chalets Pedro.
Depuis le départ je n’ai pas croisé grand monde. Le planeur
motorisé du début vers l’Anie et un planeur sans doute basé à
Jaca, que je n’aurais pas vu si le flarm n’avait pas clignoté,
il était loin. La veille radio me signale qu’il y a du monde
dans le secteur, altitude comparable, cap inverse. Probablement
dans le même ressaut. On se croisera confortablement (je l’ai vu
le 1er et avant le flarm ! yeees ! et pour cause. Il était
débranché dans l’autre planeur). Ce sera la 2eme leçon de la
journée : tout le monde n’est pas équipé flarm, la veille radio
a du bon pour avoir un schéma mental de la situation, à
condition que dans une zone donnée, tous les planeurs soient sur
la même fréquence.
Croisement
dans le même ressaut. L’Arcus de St Go est loin, mais le
flarm y était sur un autre mode
Le ressaut monte à 4000 mètres, ce qui permettra de finir la
journée tranquillement par une bretelle vers Cauterets, avant
une descente aux contre-jours superbes sur le piémont.
Epilogue
La prévision météo faite avec plusieurs sources s’est révélée
fiable, comme celle du sur-lendemain, annonçant une solide
entrée maritime, qui a eu lieu. Le 17 juin, par contre, le
pronostic global était excellent, mais la montagne est trop
longtemps restée bouchée en basse couche (plafond : 900m qnh). A
midi, cela semblait sans espoir, bien que déjà sec à Pau-Uzein.
J’ai renoncé, de peur, une fois sur le terrain, de risquer un
remorqué « on top » sur la base d’un assèchement promis et d’un
accrochage garanti à 100%. Florian, décollé de St Gaudens avait
oublié qu'en été le sous-ondulatoire est violent et monte haut.
A 14h30 le relief devenait accessible d'Oloron sans risque autre
qu'un coup de bambou en attendant sur le terrain. On a
vraiment besoin de prévisions fines sur les Pyrénées, si on
souhaite qu’elles ne soit pas réservées aux seuls retraités et
chanceux aux grandes disponibilités.
Update 2023: les modèles ont fait d'énormes progrès depuis
2012.